Nathalie986
G4/ Chapitre 26 : interrogatoires
Le lendemain matin, je réveillai tout le monde de bonne heure. J’avais organisé un petit déjeuner-pique-nique au bord de la rivière, non loin de la maison.
- Respirez-moi cet air frais, et cette bonne odeur de bacon !

- Oui mais on était obligé de se lever si tôt et de manger dans le froid ? La cuisine chauffée, ce n’était pas mal non plus... soupira Céline
- Moi je préfère être dehors ! la contra Linette.

- Nous n’étions pas obligés, non. Mais cela fait du bien de prendre l’air et de profiter de sa famille. Et en nous levant tôt, nous avons toute la journée devant nous pour profiter les uns des autres. C’est précieux, une famille. Maintenant, si tu préfères, tu peux retourner à la maison. Je ne t’en voudrai pas.
- Non, c’est bon. Je reste.

- Bien. Je préfère ça.
- Tu as très bien parlé mon amour.

- Ça c’est vrai. Tu sais être très convaincante, pouffa notre nièce.
- Et tes œufs au bacon sont délicieux.
- Super super délicieux, même, Maman !

- Je rêve ou vous êtes en train de me passer de la pommade ?
- Pas du tout. On veut juste passer un bon moment en famille.

Et nous en passâmes un excellent. Lorsque nous eûmes terminé nos assiettes, Bastien nous proposa à Céline et à moi, d’aller courir.
- Ça va nous faire du bien, tu verras ! dit-il pour essayer de convaincre une Céline dubitative.

J’étais partante pour un petit footing mais Céline cherchait des prétextes pour se défiler.

- Mais Linette ? On ne va pas la laisser toute seule...
- Tu veux courir avec nous, Linette ? lui demanda son père.
- Oh que non ! Je vais rentrer jouer écouter de la musique, et danser devant mon miroir !

Nous allâmes donc nous mettre en tenue pour notre jogging de fin de matinée.

Après le jogging, Céline était en pleine forme :
- C’est génial. Ça m’a fait un bien fou ! Je vais aller prendre une douche.
- Pas avant d’avoir goûté mon cocktail protéiné, décréta Bastien.

- Quoi ? Tu plaisantes ? Je ne vais pas boire un truc pareil !
- Comment ça un truc pareil. C’est d’un cocktail fait maison, dont je te parle ! Et en plus il va te donner de l’énergie pour la journée !

- Allez, on y va ! Tout le monde va goûter à ce cocktail ! Non mais !

Céline n’était pas tentée par le fameux cocktail de Bastien, et je dois reconnaître que l’idée ne m’enchantait guère non plus.
- Tu crois qu’il plaisante, Tatie ?
- Je n’en ai pas l’impression...

- Mais je n’ai pas envie de boire son truc, moi !
- Moi non plus, je peux te l'assurer...

Lorsque nous entrâmes, trois verres étaient déjà posés sur le bar.
- Entrez, entrez ! C’est prêt !

Céline ne put s’empêcher de faire une grimace :
- Ouch, c’est blanc...
- C’est même très blanc... ajoutai-je

- Vous allez voir, c’est délectable !
- Alors là, mon chéri, j’ai un doute. Tu veux bien goûter Céline ?

- Non. C’est toi la plus vieille. C’est toi qui commences.
- Tu oses dire ça à ta pauvre tante !

Je goûtai quand même :
- Mais, c’est dégoutant !
- Et ben ! Heureusement que je ne l’ai pas bu ! C’était moins une.
- Finis-le. Tu verras ça passe mieux à la deuxième gorgée.

- Non, non, non. Certainement pas, fis-je en affichant une mine écœurée.
- Ben quoi ? Tu m’offenses ! Je suis quand même reconnu pour mes cocktails !

- Ne te moque pas de moi, Valdeblore ! Ceci n’est pas un cocktail ! C’est une mixture médicale !

Céline prit enfin ma défense :
- D’ailleurs, pourquoi ne le bois-tu pas, ce super cocktail ?
- Très bonne question, Céline ! dis-je en défiant mon mari.

Céline en riait aux larmes.
- Mais où vas-tu ? me demanda Bastien en me voyant me lever.
- Jeter ce truc ! Où veux-tu que j’aille ?

- Et voilà ! C’est la fin de ton super cocktail, Tonton ! Avoue que tu savais qu’il était horrible !

Mais Bastien fut sauvé par la sonnerie du téléphone, et n’eût pas à répondre.
- Lucie ! Quelle bonne surprise ! Comment vas-tu ma chérie ?

- Nous aussi ça va. A part que Tatie et Céline me font la misère. Je leur fais un nouveau cocktail, et elles m’ont dit qu’il était dégoûtant !









Puis, je reçus moi-même un appel téléphonique.



Céline et moi raccrochâmes presque en même temps.
- Tonton est parti ?
- Oui. Nous étions toutes les deux au téléphone. Il n’avait plus personne à embêter. Et au son que j’entends, je dirais qu’il donne des cours de piano à Linette.

- Je vous aime tant tous les deux ! Vous êtes mes deuxièmes parents !
- Nous aussi on t’aime fort ma puce.

- Et comment va Lucie ?
- Tu ne vas pas le croire ! Elle est devenue artiste !

- Artiste ?
- Elle veut devenir humoriste.

- Ça alors ! Je n’aurais jamais cru ça. Elle n’avait pourtant pas le sens de l’humour. Et ça se passe comment ?

- C’est un peu compliqué pour elle, en ce moment, parce que chaque soir, elle doit s’entraîner à écrire des blagues, et elle me dit que ce n’est pas évident.

- Je comprends. Il faut dire qu’elle part de loin. Mais si elle persévère, elle y arrivera. C’est une battante.
- C’est exactement ce que je lui ai dit.

- Et Emilie ? J’ai entendu que c’était Tonton Olivier qui t’avait appelée.
- Elle est devenue travailleuse sociale, à la mairie de Newcrest. Son père m’a dit qu’elle adore son métier, et qu’elle s’est déjà taillé une bonne réputation pour aider les personnes en difficulté.

Ce midi-là, nous prîmes le déjeuner dehors sur la terrasse. Nous nous baignâmes même un peu tant le temps était lourd. Mais en fin d’après-midi, la température ayant fraîchi, nous enchaînâmes les parties de cartes.

Bastien, comme à son habitude, était mauvais joueur...

...ce qui avait le don d’exaspérer Céline... Mais je l’aimais mon tricheur !
- Tonton ! Tu as triché !

Heureusement pour lui, il était presque vingt-deux heures, le temps pour nous de partir.

- Tu ne m’attends pas ?!
- C’est ce que je suis en train de faire, non ?

- Bonne soirée les enfants !
- Bonne soirée les amoureux !

- Cette journée m’a fait le plus grand bien. Je t’avoue que j’ai un peu déconnecté de cet endroit et de tout ce qui va avec.
- Moi aussi. Une belle journée en famille. Mais il va falloir nous remettre dans le bain.

- Justement. Je voudrais revenir sur ce triple assassinat.
- Tu crois que c’est réellement Charlotte et l’Iroquois qui les ont tués ?

- Nous n’avons pas encore toutes les preuves mais j’en mettrais ma main à couper.
- Leur ADN aurait pu se trouver là pour d’autres raisons...

- Michèle ! Je sais que tu n’es pas si naïve que ça !
- Oui mais j’aime à penser que Charlotte n’y est pour rien. Elle était mon amie, autrefois. On a commencé ensemble à l’Agence.

- Salut Baptiste ! entonna le gardien.
- Bonsoir Franckie.

- Bonsoir Mathilde.
- Ça va, Franckie ?

Lorsque nous franchîmes le pas de la porte pour arriver au bureau d’accueil, il n’y avait personne.
- Il n’y a personne... constata Bastien.

- Non et c’est ce qui a le don de m’énerver avec cet endroit. On nous dit de venir, les prisonniers ne sont pas prêts. Hier, nous sommes venus pour dîner avec eux, et papoter en salle de détente ! Et aujourd’hui on nous demande de revenir à 22h30. Il est 22h30 et il n’y a personne !

Mon mari tenta de me calmer :
- Ne nous énervons pas. Ils doivent être en salle d’interrogatoire. C’est parfois plus long que prévu, ces choses-là.
- Tu as raison. Je vais me calmer. Allons voir.

Bastien avait effectivement raison. Tout le monde était là. Stéphane interrogeait Sébastien Martin.

Je vis que ce dernier avait repéré mon mari, mais il ne pipa mot...
- Désolée, mais son interrogatoire n’est toujours pas terminé, me chuchota Reine.

...quand mon époux alla se poster derrière lui. Au contraire, il reprit de l’assurance.
- Ne t’en fais pas. On tombe plutôt pas mal je trouve.

- Je ne sais même pas qui sont ces gens ! objecta Sébastien Martin.

- Et le petit garçon ? Il avait à peine six ans ! Tu ne le connais pas non plus ? demanda Stéphane d’une voix peu convaincante.
- Je ne suis pas un tueur de gosses, moi !
- Il ne dira rien, affirma Reine en me regardant.




Bastien qui avait, jusque-là, évité de contredire Stéphane, ou de faire le moindre commentaire, monta en pression et imposa sa voix :
- Bon ça suffit maintenant ! Il faut l’emmener en cellule d’isolement ! ça va le calmer.
- Mais oui, faites donc ça ! se moqua Sébastien à l’intention de Stéphane.
- Pas tout de suite. Il va finir par parler... espéra presque Stéphane.

- Vous êtes sérieux ? Vous ne voyez pas qu’il se fout de vous.
- Vous devriez écouter Vaughn. Il sait tout.
Martin continuait de provoquer ouvertement le directeur de la prison qui finit par accepter, bien à contre-cœur, la requête ordonnée de Bastien.

- C’est ce que je vais faire. Parce que vous finirez par cracher le morceau.
- Vous avez le droit de rêver.
Sébastien Martin ne cessait de narguer le directeur du Donjon et celui-ci ne savait que répondre...

Bastien prit la situation en main :
- Suis-moi, Martin, dit-il d’une voix extrêmement sévère, et que je ne lui connaissais pas.
- Toi aussi, t’as le droit de rêver, Vaughn. Je n’ai rien à te dire.
Martin faisait le fier mais on pouvait percevoir des tremblements dans sa voix...

Il se leva pour suivre Bastien.
- Ton mari est très persuasif, me murmura Reine.

- Oui. Il sait comment imposer sa volonté, lui répondis-je en regardant Martin partir entre Bastien et le directeur de la prison.

Le regard de Reine était plein d’espoir :
- J’espère que Martin finira par parler.

Elsa y croyait aussi :
- Peut-être pas ce soir, mais Bastien le fera craquer, c’est sûr.

- Je l’espère bien : ce type est un monstre, un tueur d’enfants.
- Il ne s’en sortira pas Reine. Il va pourrir ici, répondis-je à mon amie.

- Mais en attendant, je trouve qu’on prend beaucoup trop de gants avec lui alors que nous sommes en zone de non-droit !
- Ne dis pas ça. Je ne suis pas sûre que Bastien prenne des gants avec lui.

- Bien. Je vais te laisser aux bons soins de mon ami, l’agent Vaughn.

Bastien regarda le prévenu :
- Ça va se passer entre toi et moi, maintenant, Martin.

- Parce que tu crois sincèrement que je suis impressionné ? nargua celui-ci.

- Ce que je crois n’est pas important. Est-ce que tu connais la réputation de cet endroit ?

- Pitié, ne me parle des expériences ! fis semblant de gémir Sébastien.

- Ne me prends pas pour un idiot, Vaughn. Je sais très bien qu’on ne pratique plus aucune expérience dans cette prison.

- Mais on pourrait s’y remettre. Spécialement pour toi.
- Tu perds ton temps. Je sais que tu bluffes.

- Imagine une bestiole de cette taille venue de Sixam. On la déposerait délicatement dans ton organisme. Elle s'attaquerait à ton foie, ou à ton estomac.

- On pourrait même lui rajouter sa copine. Une bébête longue comme ça. Elle ressemble à un gros ver de terre. Sa préférence va aux intestins.

- Nous procéderons par intervention chirurgicale, bien sûr. Et sans anesthésie.
- Je ne te crois pas.

- Libre à toi. Ça n’est pas mon problème.
- Et tu vas me dire aussi que tu vas faire ça toi-même ?

- Certainement pas. Je ne vais quand même pas me salir les mains.

- Te fatigue pas Vaughn. Je ne te dirai rien, de toute façon.
- Tu n’as pas besoin de dire quoi que ce soit.

- Nous avons ton ADN sur trois cadavres. Plus le merlin avec lequel tu les as massacrés, puisque tu as eu la bonne idée de l’enterrer non loin des corps. Et il y a de belles empreintes !

- Tu es un tueur d’enfant ! Nous le savons tous. Et tu finiras tes jours ici, quoiqu’il arrive.

- La seule chose est de savoir si tu veux que ton séjour ici se passe tranquillement, ou si tu veux qu’on en fasse un enfer.

- Tu n’as pas compris. Je n’ai rien à te dire.
- Comme tu voudras. Lève-toi tu vas en cellule.

- Ça ressemble à un petit nid douillet !

- Arrête de faire le malin
- Et cette chaise est très confortable

Bastien se tourna vers Stéphane Copil :
- Stéphane, en combien de temps pourrait-on rendre la salle d’examen opérationnelle ?
- Il faut que je vois avec les techniciens.

- Mais je dirais en une heure ou deux.
- C’est parfait.

- Vous comptez l’utiliser cette nuit ?
- Oui. Si c’est possible bien sûr.

- Je vais faire le nécessaire pour rappeler le personnel compétent.
- Merci beaucoup.
- En attendant, coupons la lumière et sortons d’ici.

- A tout à l’heure, Sébastien !

Pendant ce temps, devant l’insistance de Reine et d’Elsa, j’abdiquai :
- Bon d’accord ! C’est moi qui mènerai l’interrogatoire des prisonnières.

- Génial. Merci Michèle.
- Je t’en prie.
- Par qui veux-tu commencer ?

- Par Charlotte.
- Je te l’emmène !

- C’est vous qui allez m’interroger ?
- C’est moi qui pose les questions. Que peux-tu me dire au sujet de la famille Innocenti ? Cet homme, cette femme et ce petit garçon de six ans lâchement massacrés ?

- Quoi ? Mais qui c’est ceux-là ? Jamais entendu parler !
- D’accord. Et la famille Chevalier ?

- Evidemment que je les connais ! Surtout Michèle. On a fait nos débuts ensemble à la S.I.M.S.
- Et l’Elue, ça te dit quelque chose ?

- L’Elue ? Mais c’est quoi ces questions, bordel !
- Baisse d’un ton d’accord.

- Est-ce que tu sais où tu es, ici ? Tu sais quel sort on réserve aux prisonniers qui ne savent rien ?

- Les expériences ? Vous feriez ça ?
- Je ne suis pas ici pour m’amuser. Donc, soit tu me dis ce que je veux savoir, soit je t’emmène voir nos chirurgiens !

Charlotte craqua, alors même que l'on ne s'y attendait pas.
- Oh non. C’est un cauchemar ! Tout a commencé il y a des années. Je venais à peine de rejoindre l’Agence. Sébastien m’a contactée pour une mission de surveillance.
- Quelle mission ? demanda Reine.

- J’avais besoin d’argent, et je ne faisais de mal à personne. Je surveillais la famille Innocenti. A l’époque, le chef de la bande, c’était Gaspard. Il est mort depuis. Lui et Seb m’ont parlé des élus. Ils m’ont raconté que ces gens-là voulaient modifier notre monde et que, pour le sauver, il fallait supprimer cette famille pour ne pas qu’un nouvel Elu puisse voir le jour.
- Ils pensaient donc que la famille Innocenti descendait directement du Fondateur ?

Elsa enregistrait scrupuleusement toutes les minutes de l’interrogatoire sur son ordinateur.
- Oui. C’est là que ça a dégénéré. Un soir, Seb les a pris par surprise. Il a d’abord frappé le père à coups de merlin, puis la femme et le gosse. Il s’est acharné sur eux. Les pauvres étaient tellement en souffrance que je les ai achevés d’une balle dans la tête.
- Mon dieu ! m’exclamai-je.

Puis je poursuivis :
- Et ensuite ?
- Ensuite, la vie a repris son cours. Et puis il y a eu cette mission avec Michèle Chevalier. Nous devions récupérer un microfilm contenant la liste de nos agents doubles.

- La mission avait lieu dans une salle de sport. Tu t’en souviens, Reine ?
- Oui. Très bien. Michèle était enceinte à cette époque.

- Michèle a bien récupéré le microfilm. Sauf qu’il n’y avait pas un, mais deux microfilms. Michèle l’ignorait parce que le gamin ne nous avait pas tout dit. J’avais prévenu Gaspard et il était passé avant... On ne quittait pas le service de Gaspard comme ça. Il a trouvé un microfilm, mais pas celui contenant notre liste d’agents. Celui-là, c’est Michèle qui l’a trouvé.
- Et qu’y avait-il sur le second microfilm ?

- Plus ou moins l’histoire des élus. Des relevés, des données, des comparaisons. A chaque fois qu’un Elu quitte l’adolescence, le monde change ! Imaginez le danger que sont ces gens ! Et là-dessus, on avait tout !

- Intéressant.
- Sauf que les indications données sur le microfilm nous ont révélé que les Innocenti n’avaient rien à voir avec les élus.