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  • Photo du rédacteurNathalie986

G4/ Chapitre 26 : interrogatoires


Le lendemain matin, je réveillai tout le monde de bonne heure. J’avais organisé un petit déjeuner-pique-nique au bord de la rivière, non loin de la maison.

- Respirez-moi cet air frais, et cette bonne odeur de bacon !


- Oui mais on était obligé de se lever si tôt et de manger dans le froid ? La cuisine chauffée, ce n’était pas mal non plus... soupira Céline

- Moi je préfère être dehors ! la contra Linette.


- Nous n’étions pas obligés, non. Mais cela fait du bien de prendre l’air et de profiter de sa famille. Et en nous levant tôt, nous avons toute la journée devant nous pour profiter les uns des autres. C’est précieux, une famille. Maintenant, si tu préfères, tu peux retourner à la maison. Je ne t’en voudrai pas.

- Non, c’est bon. Je reste.


- Bien. Je préfère ça.

- Tu as très bien parlé mon amour.


- Ça c’est vrai. Tu sais être très convaincante, pouffa notre nièce.

- Et tes œufs au bacon sont délicieux.

- Super super délicieux, même, Maman !


- Je rêve ou vous êtes en train de me passer de la pommade ?

- Pas du tout. On veut juste passer un bon moment en famille.


Et nous en passâmes un excellent. Lorsque nous eûmes terminé nos assiettes, Bastien nous proposa à Céline et à moi, d’aller courir.

- Ça va nous faire du bien, tu verras ! dit-il pour essayer de convaincre une Céline dubitative.


J’étais partante pour un petit footing mais Céline cherchait des prétextes pour se défiler.

- Mais Linette ? On ne va pas la laisser toute seule...

- Tu veux courir avec nous, Linette ? lui demanda son père.

- Oh que non ! Je vais rentrer jouer écouter de la musique, et danser devant mon miroir !


Nous allâmes donc nous mettre en tenue pour notre jogging de fin de matinée.


Après le jogging, Céline était en pleine forme :

- C’est génial. Ça m’a fait un bien fou ! Je vais aller prendre une douche.

- Pas avant d’avoir goûté mon cocktail protéiné, décréta Bastien.


- Quoi ? Tu plaisantes ? Je ne vais pas boire un truc pareil !

- Comment ça un truc pareil. C’est d’un cocktail fait maison, dont je te parle ! Et en plus il va te donner de l’énergie pour la journée !


- Allez, on y va ! Tout le monde va goûter à ce cocktail ! Non mais !


Céline n’était pas tentée par le fameux cocktail de Bastien, et je dois reconnaître que l’idée ne m’enchantait guère non plus.

- Tu crois qu’il plaisante, Tatie ?

- Je n’en ai pas l’impression...


- Mais je n’ai pas envie de boire son truc, moi !

- Moi non plus, je peux te l'assurer...


Lorsque nous entrâmes, trois verres étaient déjà posés sur le bar.

- Entrez, entrez ! C’est prêt !


Céline ne put s’empêcher de faire une grimace :

- Ouch, c’est blanc...

- C’est même très blanc... ajoutai-je


- Vous allez voir, c’est délectable !

- Alors là, mon chéri, j’ai un doute. Tu veux bien goûter Céline ?


- Non. C’est toi la plus vieille. C’est toi qui commences.

- Tu oses dire ça à ta pauvre tante !


Je goûtai quand même :

- Mais, c’est dégoutant !

- Et ben ! Heureusement que je ne l’ai pas bu ! C’était moins une.

- Finis-le. Tu verras ça passe mieux à la deuxième gorgée.


- Non, non, non. Certainement pas, fis-je en affichant une mine écœurée.

- Ben quoi ? Tu m’offenses ! Je suis quand même reconnu pour mes cocktails !


- Ne te moque pas de moi, Valdeblore ! Ceci n’est pas un cocktail ! C’est une mixture médicale !


Céline prit enfin ma défense :

- D’ailleurs, pourquoi ne le bois-tu pas, ce super cocktail ?

- Très bonne question, Céline ! dis-je en défiant mon mari.


Céline en riait aux larmes.

- Mais où vas-tu ? me demanda Bastien en me voyant me lever.

- Jeter ce truc ! Où veux-tu que j’aille ?


- Et voilà ! C’est la fin de ton super cocktail, Tonton ! Avoue que tu savais qu’il était horrible !


Mais Bastien fut sauvé par la sonnerie du téléphone, et n’eût pas à répondre.

- Lucie ! Quelle bonne surprise ! Comment vas-tu ma chérie ?


- Nous aussi ça va. A part que Tatie et Céline me font la misère. Je leur fais un nouveau cocktail, et elles m’ont dit qu’il était dégoûtant !


Puis, je reçus moi-même un appel téléphonique.


Céline et moi raccrochâmes presque en même temps.

- Tonton est parti ?

- Oui. Nous étions toutes les deux au téléphone. Il n’avait plus personne à embêter. Et au son que j’entends, je dirais qu’il donne des cours de piano à Linette.


- Je vous aime tant tous les deux ! Vous êtes mes deuxièmes parents !

- Nous aussi on t’aime fort ma puce.


- Et comment va Lucie ?

- Tu ne vas pas le croire ! Elle est devenue artiste !


- Artiste ?

- Elle veut devenir humoriste.


- Ça alors ! Je n’aurais jamais cru ça. Elle n’avait pourtant pas le sens de l’humour. Et ça se passe comment ?


- C’est un peu compliqué pour elle, en ce moment, parce que chaque soir, elle doit s’entraîner à écrire des blagues, et elle me dit que ce n’est pas évident.


- Je comprends. Il faut dire qu’elle part de loin. Mais si elle persévère, elle y arrivera. C’est une battante.

- C’est exactement ce que je lui ai dit.


- Et Emilie ? J’ai entendu que c’était Tonton Olivier qui t’avait appelée.

- Elle est devenue travailleuse sociale, à la mairie de Newcrest. Son père m’a dit qu’elle adore son métier, et qu’elle s’est déjà taillé une bonne réputation pour aider les personnes en difficulté.


Ce midi-là, nous prîmes le déjeuner dehors sur la terrasse. Nous nous baignâmes même un peu tant le temps était lourd. Mais en fin d’après-midi, la température ayant fraîchi, nous enchaînâmes les parties de cartes.


Bastien, comme à son habitude, était mauvais joueur...


...ce qui avait le don d’exaspérer Céline... Mais je l’aimais mon tricheur !

- Tonton ! Tu as triché !


Heureusement pour lui, il était presque vingt-deux heures, le temps pour nous de partir.


- Tu ne m’attends pas ?!

- C’est ce que je suis en train de faire, non ?


- Bonne soirée les enfants !

- Bonne soirée les amoureux !


 

- Cette journée m’a fait le plus grand bien. Je t’avoue que j’ai un peu déconnecté de cet endroit et de tout ce qui va avec.

- Moi aussi. Une belle journée en famille. Mais il va falloir nous remettre dans le bain.


- Justement. Je voudrais revenir sur ce triple assassinat.

- Tu crois que c’est réellement Charlotte et l’Iroquois qui les ont tués ?


- Nous n’avons pas encore toutes les preuves mais j’en mettrais ma main à couper.

- Leur ADN aurait pu se trouver là pour d’autres raisons...


- Michèle ! Je sais que tu n’es pas si naïve que ça !

- Oui mais j’aime à penser que Charlotte n’y est pour rien. Elle était mon amie, autrefois. On a commencé ensemble à l’Agence.


- Salut Baptiste ! entonna le gardien.

- Bonsoir Franckie.


- Bonsoir Mathilde.

- Ça va, Franckie ?


Lorsque nous franchîmes le pas de la porte pour arriver au bureau d’accueil, il n’y avait personne.

- Il n’y a personne... constata Bastien.


- Non et c’est ce qui a le don de m’énerver avec cet endroit. On nous dit de venir, les prisonniers ne sont pas prêts. Hier, nous sommes venus pour dîner avec eux, et papoter en salle de détente ! Et aujourd’hui on nous demande de revenir à 22h30. Il est 22h30 et il n’y a personne !


Mon mari tenta de me calmer :

- Ne nous énervons pas. Ils doivent être en salle d’interrogatoire. C’est parfois plus long que prévu, ces choses-là.

- Tu as raison. Je vais me calmer. Allons voir.


Bastien avait effectivement raison. Tout le monde était là. Stéphane interrogeait Sébastien Martin.


Je vis que ce dernier avait repéré mon mari, mais il ne pipa mot...

- Désolée, mais son interrogatoire n’est toujours pas terminé, me chuchota Reine.


...quand mon époux alla se poster derrière lui. Au contraire, il reprit de l’assurance.

- Ne t’en fais pas. On tombe plutôt pas mal je trouve.


- Je ne sais même pas qui sont ces gens ! objecta Sébastien Martin.


- Et le petit garçon ? Il avait à peine six ans ! Tu ne le connais pas non plus ? demanda Stéphane d’une voix peu convaincante.

- Je ne suis pas un tueur de gosses, moi !

- Il ne dira rien, affirma Reine en me regardant.


Bastien qui avait, jusque-là, évité de contredire Stéphane, ou de faire le moindre commentaire, monta en pression et imposa sa voix :

- Bon ça suffit maintenant ! Il faut l’emmener en cellule d’isolement ! ça va le calmer.

- Mais oui, faites donc ça ! se moqua Sébastien à l’intention de Stéphane.

- Pas tout de suite. Il va finir par parler... espéra presque Stéphane.


- Vous êtes sérieux ? Vous ne voyez pas qu’il se fout de vous.

- Vous devriez écouter Vaughn. Il sait tout.

Martin continuait de provoquer ouvertement le directeur de la prison qui finit par accepter, bien à contre-cœur, la requête ordonnée de Bastien.


- C’est ce que je vais faire. Parce que vous finirez par cracher le morceau.

- Vous avez le droit de rêver.

Sébastien Martin ne cessait de narguer le directeur du Donjon et celui-ci ne savait que répondre...


Bastien prit la situation en main :

- Suis-moi, Martin, dit-il d’une voix extrêmement sévère, et que je ne lui connaissais pas.

- Toi aussi, t’as le droit de rêver, Vaughn. Je n’ai rien à te dire.

Martin faisait le fier mais on pouvait percevoir des tremblements dans sa voix...


Il se leva pour suivre Bastien.

- Ton mari est très persuasif, me murmura Reine.


- Oui. Il sait comment imposer sa volonté, lui répondis-je en regardant Martin partir entre Bastien et le directeur de la prison.


Le regard de Reine était plein d’espoir :

- J’espère que Martin finira par parler.


Elsa y croyait aussi :

- Peut-être pas ce soir, mais Bastien le fera craquer, c’est sûr.


- Je l’espère bien : ce type est un monstre, un tueur d’enfants.

- Il ne s’en sortira pas Reine. Il va pourrir ici, répondis-je à mon amie.


- Mais en attendant, je trouve qu’on prend beaucoup trop de gants avec lui alors que nous sommes en zone de non-droit !

- Ne dis pas ça. Je ne suis pas sûre que Bastien prenne des gants avec lui.


 

- Bien. Je vais te laisser aux bons soins de mon ami, l’agent Vaughn.


Bastien regarda le prévenu :

- Ça va se passer entre toi et moi, maintenant, Martin.


- Parce que tu crois sincèrement que je suis impressionné ? nargua celui-ci.


- Ce que je crois n’est pas important. Est-ce que tu connais la réputation de cet endroit ?


- Pitié, ne me parle des expériences ! fis semblant de gémir Sébastien.


- Ne me prends pas pour un idiot, Vaughn. Je sais très bien qu’on ne pratique plus aucune expérience dans cette prison.


- Mais on pourrait s’y remettre. Spécialement pour toi.

- Tu perds ton temps. Je sais que tu bluffes.


- Imagine une bestiole de cette taille venue de Sixam. On la déposerait délicatement dans ton organisme. Elle s'attaquerait à ton foie, ou à ton estomac.


- On pourrait même lui rajouter sa copine. Une bébête longue comme ça. Elle ressemble à un gros ver de terre. Sa préférence va aux intestins.


- Nous procéderons par intervention chirurgicale, bien sûr. Et sans anesthésie.

- Je ne te crois pas.


- Libre à toi. Ça n’est pas mon problème.

- Et tu vas me dire aussi que tu vas faire ça toi-même ?


- Certainement pas. Je ne vais quand même pas me salir les mains.


- Te fatigue pas Vaughn. Je ne te dirai rien, de toute façon.

- Tu n’as pas besoin de dire quoi que ce soit.


- Nous avons ton ADN sur trois cadavres. Plus le merlin avec lequel tu les as massacrés, puisque tu as eu la bonne idée de l’enterrer non loin des corps. Et il y a de belles empreintes !


- Tu es un tueur d’enfant ! Nous le savons tous. Et tu finiras tes jours ici, quoiqu’il arrive.


- La seule chose est de savoir si tu veux que ton séjour ici se passe tranquillement, ou si tu veux qu’on en fasse un enfer.


- Tu n’as pas compris. Je n’ai rien à te dire.

- Comme tu voudras. Lève-toi tu vas en cellule.


- Ça ressemble à un petit nid douillet !


- Arrête de faire le malin

- Et cette chaise est très confortable



Bastien se tourna vers Stéphane Copil :

- Stéphane, en combien de temps pourrait-on rendre la salle d’examen opérationnelle ?

- Il faut que je vois avec les techniciens.


- Mais je dirais en une heure ou deux.

- C’est parfait.


- Vous comptez l’utiliser cette nuit ?

- Oui. Si c’est possible bien sûr.


- Je vais faire le nécessaire pour rappeler le personnel compétent.

- Merci beaucoup.

- En attendant, coupons la lumière et sortons d’ici.


- A tout à l’heure, Sébastien !


 

Pendant ce temps, devant l’insistance de Reine et d’Elsa, j’abdiquai :

- Bon d’accord ! C’est moi qui mènerai l’interrogatoire des prisonnières.


- Génial. Merci Michèle.

- Je t’en prie.

- Par qui veux-tu commencer ?


- Par Charlotte.

- Je te l’emmène !


- C’est vous qui allez m’interroger ?

- C’est moi qui pose les questions. Que peux-tu me dire au sujet de la famille Innocenti ? Cet homme, cette femme et ce petit garçon de six ans lâchement massacrés ?


- Quoi ? Mais qui c’est ceux-là ? Jamais entendu parler !

- D’accord. Et la famille Chevalier ?


- Evidemment que je les connais ! Surtout Michèle. On a fait nos débuts ensemble à la S.I.M.S.

- Et l’Elue, ça te dit quelque chose ?


- L’Elue ? Mais c’est quoi ces questions, bordel !

- Baisse d’un ton d’accord.


- Est-ce que tu sais où tu es, ici ? Tu sais quel sort on réserve aux prisonniers qui ne savent rien ?


- Les expériences ? Vous feriez ça ?

- Je ne suis pas ici pour m’amuser. Donc, soit tu me dis ce que je veux savoir, soit je t’emmène voir nos chirurgiens !


Charlotte craqua, alors même que l'on ne s'y attendait pas.

- Oh non. C’est un cauchemar ! Tout a commencé il y a des années. Je venais à peine de rejoindre l’Agence. Sébastien m’a contactée pour une mission de surveillance.

- Quelle mission ? demanda Reine.


- J’avais besoin d’argent, et je ne faisais de mal à personne. Je surveillais la famille Innocenti. A l’époque, le chef de la bande, c’était Gaspard. Il est mort depuis. Lui et Seb m’ont parlé des élus. Ils m’ont raconté que ces gens-là voulaient modifier notre monde et que, pour le sauver, il fallait supprimer cette famille pour ne pas qu’un nouvel Elu puisse voir le jour.

- Ils pensaient donc que la famille Innocenti descendait directement du Fondateur ?


Elsa enregistrait scrupuleusement toutes les minutes de l’interrogatoire sur son ordinateur.

- Oui. C’est là que ça a dégénéré. Un soir, Seb les a pris par surprise. Il a d’abord frappé le père à coups de merlin, puis la femme et le gosse. Il s’est acharné sur eux. Les pauvres étaient tellement en souffrance que je les ai achevés d’une balle dans la tête.

- Mon dieu ! m’exclamai-je.


Puis je poursuivis :

- Et ensuite ?

- Ensuite, la vie a repris son cours. Et puis il y a eu cette mission avec Michèle Chevalier. Nous devions récupérer un microfilm contenant la liste de nos agents doubles.


- La mission avait lieu dans une salle de sport. Tu t’en souviens, Reine ?

- Oui. Très bien. Michèle était enceinte à cette époque.


- Michèle a bien récupéré le microfilm. Sauf qu’il n’y avait pas un, mais deux microfilms. Michèle l’ignorait parce que le gamin ne nous avait pas tout dit. J’avais prévenu Gaspard et il était passé avant... On ne quittait pas le service de Gaspard comme ça. Il a trouvé un microfilm, mais pas celui contenant notre liste d’agents. Celui-là, c’est Michèle qui l’a trouvé.

- Et qu’y avait-il sur le second microfilm ?


- Plus ou moins l’histoire des élus. Des relevés, des données, des comparaisons. A chaque fois qu’un Elu quitte l’adolescence, le monde change ! Imaginez le danger que sont ces gens ! Et là-dessus, on avait tout !


- Intéressant.

- Sauf que les indications données sur le microfilm nous ont révélé que les Innocenti n’avaient rien à voir avec les élus.


- Qui alors ?

- La famille Chevalier. Et plus particulièrement, Michèle.


- Seb a tué cette famille pour rien...

- Et pourquoi spécialement Michèle ? Elle a une sœur et deux frères que je sache


- Elle est la seule à être une enfant légitime. Cela nous paraissait évident à l’époque.

- Bien sûr.


J’étais bien placée pour savoir que la légitimité n’entrait pas du tout en ligne de compte dans l’héritage. C’était bien plus compliqué que cela.

- Michèle était enceinte à l’époque. Gaspard a immédiatement lancé un contrat sur elle, un contrat qui devait être exécuté avant qu’elle n’accouche.

- Elle est toujours en vie aujourd’hui pourtant !


- Beaucoup de choses ont changé. Gaspard est mort, Michèle a perdu son bébé et Sébastien a pris la place de Gaspard. Mais surtout, nous avons eu de nouvelles informations concernant les règles d’héritage...

- Et quelles sont-elles ?


- Oh... elles sont trop nombreuses pour que je vous les énonce, mais en gros, tous les descendants sont des héritiers, donc un élu potentiel.

- C’est pour ça que Sébastien a mis un contrat sur la tête de tous les enfants Chevalier ?


- Pas à ce moment-là, non.

- Sur Michèle, alors ?


- Non. Elle n’était plus une menace, et le mal était déjà fait puisque Michèle était jeune adulte.

- Le mal ? Mais quel mal a-t-elle fait ? demandai-je.

Reine m’appuya :

- J’aimerais bien le savoir ! Nous étions amies toutes les trois !


- Elle a modifié le monde ! Ce n’est pas rien quand même ! Savez-vous que c’est à cause d’elle que nous avons des spas ? Il n’y en avait pas avant ! Mais ça, personne ne s’en souvient !

- Et alors ? C’est si grave d’avoir des spas ?


- Vous ne comprenez pas... Bref, Seb n’a lancé aucun contrat à ce moment-là. Après l’histoire de la famille Innocenti, il jouait de prudence. Il ne voulait plus se tromper.

- C’est heureux.


- Et qu’a-t-il fait ? interrogea Reine.

- Il a recruté et assigné des gars à la surveillance des trois enfants Chevalier. C’est là que nous avons embauché Houda. Elle était chargée d’obtenir des informations auprès de Quentin Chinon, le mari de Michèle. Elle est devenue sa maîtresse. Malheureusement, elle n’en a pas tiré grand-chose. Non seulement il ne savait rien, mais en plus, il était extrêmement violent avec les femmes.


- Seb, lui, voulait observer le comportement des enfants, essayer de deviner lequel était l’Elu. Il voulait éviter d’avoir à tuer les trois.

- Trop gentil de sa part !


- Mais il y en a quatre, lui dit Reine.

- Il n’y en avait que trois à l’époque. Mais en effet, Michèle a divorcé, s’est remariée avec Bastien Valdeblore, et il y a eu une autre héritière à surveiller.


- Nous avons fait ce travail de surveillance durant des années, jusqu’à ce que Seb réalise que les enfants, ça grandit, et que les trois grandes approchaient de l’âge adulte.


- Il a alors mis un contrat sur leurs têtes.

- Oui. Sur leurs têtes, et sur celle de la petite Linette. Il était dos au mur. Il n’avait plus le temps d’attendre. Mais elles ont toutes disparu il y a deux ans et demi, en même temps que Michèle et Bastien Valdeblore. Nous n’avons jamais réussi à retrouver leurs traces.

- C’est une chance pour cette famille !


- Combien êtes-vous ?

- Douze. Y compris Seb et moi.


Je fis rapidement le calcul. Il y en avait encore trois dans la nature.

- J’ai une question à te poser, ajouta Reine. Pourquoi es-tu restée avec cette bande d’allumés ? Tu disais qu’on ne quittait pas Gaspard, mais Gaspard est mort, non ? Tu aurais pu partir à ce moment-là.

- Non. Parce qu’on ne quitte pas Seb non plus.

- Mais il y a autre chose, n’est-ce pas ? devinai-je.


- Oui. Nous défendons une cause juste. On ne devrait laisser personne modifier le monde. Ces gens-là sont malfaisants !

- Ces gens-là ne tuent pas les enfants, lui opposai-je.


- Ce sont des dommages collatéraux. Si c’était à refaire, je le referai.


- Et Michèle ? C’était ton amie...

- Je suis tellement navrée pour elle. Elle n’a vraiment pas eu de chance de naître Elue.


Reine était en train de bouillir :

- Bon, j’en ai assez entendu. Tu as fini Mathilde ?

- Oui. Tu peux la ramener dans sa cellule.


- Allez, on y va.


 

Reine me ramena Houda dans la foulée.

- Bonjour Houda. Nous allons discuter, toutes les deux.

- Je n’ai rien à voir dans le meurtre de cette famille !


- Oui je sais. Il a été établi que tu ne connaissais ni Sébastien, ni Charlotte, à l’époque.


- Par contre que peux-tu me dire de cette petite bande ?


Houda ne pipait mot...

- J’attends ! lui dis-je.


- Et pourquoi je te parlerai ? s'énerva-telle. C’est toi qui as planqué les sachets de bulles chez moi !


- Oh ! On se calme ! intervint Reine.

- C’est à cause de toi que je suis ici ! me répéta Houda.


Je me tournai vers ma collègue :

- Reine, explique-lui pourquoi elle doit me parler, s’il te plait.

- Et bien tu sais, dans cette prison, nous avons des médecins...


- Ils ne se pas commodes et ils adorent faire des expériences sur les sims.


- Des trucs assez moches en réalité... ajoutai-je.


- Comme quand ils introduisent des organismes vivant dans le corps d'un sim, hein Reine ?

- Oui, Mathilde. Ça c’est vraiment moche. Les pauvres sims hurlent à la mort.


- Ça va, j’ai compris, rogna Houda.

- Bon alors si tu es prête à nous aider, parle-moi de cette bande.


- On veut sauver le monde.

- Grand projet. Et comment les as-tu connus ?


- A une époque où je n’avais plus de fric. Sébastien m’a expliqué leur cause. Il m’a tout de suite convaincue.


- Je devais surveiller un couple, à Newcrest. Au bout de quelques temps, il m’a demandé si j’étais, comme lui, prête à tout pour la cause.


- J’ai répondu oui évidemment ! Alors il m’a demandé de draguer le mari, et de le mettre dans mon lit. Cela ne me dérangeait pas. Le type était plutôt beau gosse, roux aux yeux clairs. Seulement j’ai vite déchanté.


- Pourquoi ça ?

- Il était très gentil au début. Seulement, au fil du temps, il a commencé à m’humilier verbalement puis à me battre.

- Pourquoi ne l’as-tu pas quitté ? lui demandai-je tout en pensant que la même chose aurait pu m’arriver.

J’étais persuadée aujourd’hui que Quentin devait se défouler sur cette pauvre malheureuse, pour éviter de me frapper.


- Parce que Sébastien me l’interdisait. C’était indispensable pour la cause. A chaque fois que je revenais avec des bleus, Sébastien ne voulait rien entendre.

- C’est Sébastien et sa bande que tu aurais dû quitter.


- Mais oui ! C’est de la folie d’être loyale envers ce genre de type ! m’appuya Reine.

- Je ne vois pas les choses comme ça. Heureusement, Charlotte était toujours là pour me soigner. Ce gars-là frappait n’importe où. Et puis un jour, nous avons été surpris par le beau-frère de mon amant. Il était fou furieux. Mais, ça a été la fin de mon calvaire.

- C’est-à-dire ?


- Sébastien m’a donné l’ordre de ne plus le voir. Un vrai soulagement.

- J’imagine. Et que sais-tu de ce contrat sur la tête de ces quatre enfants ?


- C’est Sébastien qui l’a lancé. Mais les gosses ont tous disparu, et c’est tant mieux. Je n’ai pas eu à les tuer.


- Quoi ?! s’exclama Reine.

- Tu veux dire que c’est toi qui les aurais tués ? l’interrogeai-je.

- Oui. Avec Sébastien. Il devait me montrer comment faire. J’avoue que je n’étais pas enchantée, mais je n’avais pas le choix.


Reine s’impatientait :

- Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre, franchement ! On a toujours le choix. Bon, dis-moi combien vous êtes dans votre bande.

- Nous sommes douze.


- J’ai aussi besoin de l’adresse de votre planque.

- Ça je ne peux pas. Sébastien me tuerait.


- Elle avait si bien commencé pourtant, tu ne trouves pas, Mathilde ?

- C’est vrai.


Reine et moi la regardâmes en souriant.

- Ce n’est pas de Sébastien dont tu devrais avoir peur, Houda, mais de nos médecins.


Houda se résigna et nous donna l’adresse de la planque. J’entendis Elsa se précipiter sur le téléphone pour envoyer, séance tenante, une équipe sur les lieux.


Je l’entendis donner des ordres tandis que nous mettions fin à l’interrogatoire de Houda.


Nous nous retrouvâmes tous à l’accueil pour faire le point des trois interrogatoires et de ce que nous avions appris.


Seul Sébastien Martin ne crachait pas le morceau. Les hommes l’avaient laissé mariner en cellule d’isolement en lui faisant croire qu’il allait être le cobaye d’une expérience douteuse. Ils espéraient que cela le ferait changer d’avis.

Pour le cas où il resterait sur ses positions, nous nous étions mis d’accord pour l’amener jusqu’à la table d’opération, près des organismes extraterrestres vivants qui étaient conservés en bocaux. Il aurait certainement suffisamment peur, à ce moment-là, pour enfin faire des aveux, même si nous savions tous que nous n'utiliserions pas ce procédé. C'était quitte ou double.


 

Forts de notre conspiration, Bastien et Stéphane remontèrent voir Sébastien Martin.

- Allez Martin. C’est l’heure. On y va !

- Attends. Je peux lui parler une minute avant ? demanda Bastien à Stéphane.


- C’est toujours un plaisir de te voir Vaughn, railla Sébastien.


Mon mari prit un ton compatissant et navré pour lui :

- Sébastien. Je voulais te dire que j’étais désolé. Je n’ai pas voulu ça... Je bluffais, tu avais raison...

Ce ton-là fit peur au détenu qui faisait le paon une seconde auparavant :

- Arrête Baptiste ! Où est-ce qu’il m’emmène ?


- Au bloc opératoire. Je t’assure que j’ai essayé de le dissuader. Je lui ai dit qu’on pouvait continuer à te faire peur, mais il m’a rétorqué que cela ne servait à rien avec toi...

- Je vois...


- Je voulais juste te dire au revoir. Je ne descendrai pas avec vous, parce que je ne veux pas voir ça. Je pense qu’en d’autres circonstances, nous aurions pu être amis.

- C’est ce que j’avais cru aussi. Je vais tout te dire Baptiste.


- Tu es sûr ?

- Oui, laisse-moi deux minutes.


- Prends ton temps. On n’est pas pressé...

- Merci vieux. Je pense que ce que tu vas entendre ne va pas te plaire... mais je vais tout te dire...


Stéphane débarqua dans la pièce à ce moment-là :

- Bon, on y va ou quoi ?

- Pas tout de suite. Allumez la lumière, s’il vous plaît Stéphane. Cela va prendre un peu plus de temps que prévu.


- Que se passe-t-il ?

- Martin veut passer aux aveux.


- Je ne le crois pas une seconde ! Ces types-là ne passent jamais aux aveux, de leur plein gré en tous cas...

- Baptiste ? le coupa Sébastien, il est vraiment obligé de rester là celui-là ?


- S’il vous plait, Stéphane... fit semblant de supplier Bastien, alors qu'ils étaient de mèche.


- Très bien. Je ne dis plus rien mais je reste.

- Ça me va. Et je pense que ça te va aussi Sébastien, pas vrai ?

- Mouais...


- Super ! Alors, où en étions-nous ? Tu voulais tout me dire. Par quoi veux-tu commencer ?

- Il y a une vingtaine d’années, alors que j’étais dans la bande de Gaspard le Balafré, celui-ci m’a appris l’existence de personnes qui voulaient modifier notre monde. Il m’a parlé d’un Fondateur, d’héritiers et d’Elus.


- Et comment a-t-il eu vent d’un truc aussi dingue ?

- Ça, je n’en sais rien. Et je ne le saurai jamais, puisque Gaspard est mort. Mais j’ai eu les preuves de de ce qu’il avançait, plus tard. Quoiqu’il en soit, après l’avoir écouté, j’ai complètement adhéré à son idée de supprimer tous ceux qui voulaient modifier notre monde.


- Et je l’ai suivi dans sa quête. Ce type était comme un père pour moi et surtout, il était très riche. Je lui devais le respect. Nous avons envisagé d’endoctriner quelqu’un qui se trouvait dans les services secrets, quelqu’un de jeune, qui pourrait évoluer dans l’Agence, se faire sa place, et nous donner des renseignements.


- Et vous avez jeté votre dévolu sur Charlotte Roussel ?

- C’est tout à fait ça. Elle était jeune, tout comme moi, dynamique et surtout, elle manquait cruellement d’argent. Je l’ai séduite. Je n’ai pas honte de dire qu’encore maintenant, elle ferait tout pour moi. Lorsque Gaspard nous dit avoir trouvé la famille de l’Elu, je n’ai fait ni une, ni deux. J’ai emmené Charlotte avec moi et j’ai tué toute la famille sous ses yeux.


- Et qu’a-t-elle dit ?

- Rien. Elle était horrifiée. J’ai d’abord frappé le père avec un merlin, puis la femme, et le gamin. Il fallait qu’ils se taisent. Le gamin s’était réfugié dans un coin mais je l’ai eu, lui aussi.


- Ça correspond avec ce que nous a dit Charlotte. Et après.

- Tout à fait. Et après ?


- Après ? Ils étaient à terre mais ils continuaient à gémir et à crier. Alors, je les ai frappés et frappés encore ! Je voulais les faire taire.


- Charlotte, elle, elle a compris mon désarroi. Elle a pris son flingue puis elle les a butés, un par un.

J’arrivai à ce moment-là de l’interrogatoire, et appelai Stéphane.


- Et là, le silence. Enfin !


- Seulement Gaspard s’est trompé. Il s’en est aperçu quand il a eu le microfilm ! Je n’ai pas tué les bonnes personnes ! Alors j’ai buté Gaspard ! Une erreur pareille, c’est inadmissible ! En plus, j’étais le seul légataire de sa fortune.

- Tu as tué Gaspard ? Mais où est son corps ?


- Probablement bouffé par les poissons à l’heure qu’il est. Je l’avais balancé dans la rivière à Willow Creek.

- D’accord. Nous reparlerons de Gaspard plus tard. Qu’en est-il du contrat sur les enfants Chevalier ?


- J’ai préféré attendre. Une erreur mais pas deux !

- Ça, je te comprends !


- Par contre, le temps a passé et les trois grandes allaient devenir adultes. Je n’ai pas eu le choix.

- Attention, je ne te juge pas. Je t’écoute, c’est tout.


- Merci Baptiste. J’ai donc mis un contrat sur les quatre gosses. Mais ils ont tous disparu de la circulation. Lorsqu’Emilie Chevalier a réapparu, elle était adulte. Il était clair qu’elle n’était plus une menace, puisque les autres étaient encore planqués. Par contre, elle pouvait nous dire où était leur planque.

- Et c’est là que tu as eu l’idée géniale de la faire enlever.


- Ouais ! J’ai envoyé Charlotte, avec six autres gars. Mais ils se sont fait cueillir par les flics, pour cambriolage... Fin de l’histoire. Ensuite, tu es arrivé pour me doubler, ta pimbêche a doublé Houda et re- fin de l’histoire. Tu connais la suite.

- Oui, je la connais.


- Qu’est-ce qu’il a, lui, à me regarder avec son regard satisfait ?

- Je n’en sais rien. Mais je vais bientôt le savoir.


- Ça y est. Nous avons coffré les derniers gus. Toute la bande est sous les verrous.

- Bonne nouvelle.


- Comment ça ? Il restait trois de mes amis dehors, prêts à défendre notre cause.

- Houda a balancé l’adresse de votre planque, lui rétorqua Bastien.


- Mais comment a-t-elle osé ?

- Une pimbêche s’en est mêlé, semble-t-il, sourit Stéphane en regardant mon mari.

- Il me semble aussi, lui répondit Bastien.


Sébastien Martin se leva, visiblement agacé :

- Ok. Est-ce que je peux retourner dans ma cellule, maintenant ?

- Tu peux y aller. Je vais renvoyer les médecins chez eux. Tu ne subiras aucune intervention chirurgicale aujourd’hui, le rassura Bastien.


- Et tu peux remercier l’agent Vaughn, lui lança Stéphane.

- Mouis...

- Adieu Sébastien, lui dit mon mari. Je ne te reverrai plus avant longtemps. En attendant, je vais t’envoyer un gardien pour te ramener dans le quartier des hommes.


Bastien, Elsa, Reine et moi nous rejoignîmes enfin devant la prison. Quelle joie de respirer l’air pourtant frais de la nuit. Elsa était surexcitée !

- Ne faites pas cette tête-là ! C’est fini les enfants ! s’enthousiasma-t-elle.


Puis elle ajouta :

- Je n’arrive pas à y croire !

- Moi non plus, ajoutai-je.

- Et pourtant ! Dès demain, nous reprenons des vies normales ! affirma Bastien.


- C’est vrai. Je vais être réaffectée au B.P.E.H., dans les bureaux cette fois ! Quel bonheur ! clama Reine.


- Et moi je vais reprendre à temps plein au commissariat, sous couverture bien sûr car je reste fidèle au B.P.E.H !

- Et toi, Michèle ? me demanda mon amie.


- Comme le disait Elsa, je vais reprendre une vie normale : ma famille avec Bastien et Linette, et mon travail à la S.I.M.S.

Elsa était émue :

- Je vais retrouver ma petite Céline...


J’embrassai Reine, celle que j’avais connue en entrant à la S.I.M.S. et qui avait toujours été là pour moi, sans même que je ne le sache :

- Au revoir Reine. Donne-moi de tes nouvelles si jamais on ne se croise pas à l’Agence.


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