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  • Photo du rédacteurNathalie986

G5/ Chapitre 10 : La boulangerie


Ce mois-là, après plusieurs concertations téléphoniques avec la patronne de la boulangerie de la place du Sud, nous nous décidâmes, enfin, à aller sur place pour visiter les lieux un peu plus sérieusement que nous ne l’avions déjà fait. L’endroit nous plaisait beaucoup.


- Ce petit coin « café » est vraiment agréable. Je propose que nous le conservions.

- Je suis d’accord, répondis-je à mon mari.


- Par contre, tu as vu cet employé ? continuai-je.

- Je vois ce que tu veux dire. La boulangerie est ouverte depuis plus de deux heures et il arrive seulement maintenant.


- Je ne trouve pas cela acceptable, surtout que nous avons choisi de garder le personnel.

- Ça ne l’est pas. Et il le comprendra vite, sauf si c’est sa patronne qui a exceptionnellement autorisé ce retard.


Jules avança vers l’entrée de la boulangerie, d’un pas décidé :

- Allez viens ma chérie, on y va.


- C’est mignon comme tout !

- Ça manque quand même de déco...


- Oh mais je suis certain que tu nous arrangeras tout ça !

- J’en ai bien l’intention !


Une voix se fit entendre, derrière nous :

- Bonjour messieurs dames !


La propriétaire nous avait pris pour des clients. Nous nous présentâmes comme les futurs acquéreurs de sa boulangerie.

- Je suis ravie de vous rencontrer enfin. Après tous ces échanges téléphoniques... Vous avez pris votre décision finalement ?


Jules essaya de négocier, et j’entrai dans son jeu.

- Nous hésitons encore un peu. Nous n’avions initialement pas prévu un tel budget.

- C’est vrai que mon mari freine beaucoup mon enthousiasme, à ce niveau-là...


- Je vois... Je vais m’occuper de mes clients ; on se rejoint ensuite sur la terrasse ?

Elle avait, de toute évidence, besoin d’avaler la pilule. J’essayai de la rassurer. Je ne voulais pas que l’affaire nous passe sous le nez :

- C’est parfait ! Mon mari et moi allons encore discuter.


Mais Jules insistait :

- C’est tout vu ! J’aimerais que l’on baisse le prix de vingt mille simflouz.

- Je suis désolée...


La propriétaire alla s’occuper de la cliente qui entrait et qui se trouvait la sœur de Rangi. Elle était très enceinte, d’après ce que nous constatâmes.

Je lançai un regard à Jules qui voulait dire « mais à quoi tu joues ? », tandis que son regard me répondit « je n’ai pas pu m’en empêcher ». J’espérai que nous avions encore un espoir d’acheter...


Nous retrouvâmes donc la patronne sur la terrasse pour discuter tranquillement. Jules refusait de transiger sur le prix. Je découvrais que mon mari était très dur en affaires.


Finalement, la dame se laissa convaincre, sûrement à contrecœur.


La boulangerie était à nous !

- Vous ne le regretterez pas, lui dit Jules. Je vous le promets.

- Nous prendrons grand soin de ce que vous avez déjà fait ici, luis promis-je, à mon tour.


Nous repartîmes le cœur léger. Jules était tout content :

- Eh bien voilà ! Affaire conclue !

- Tu n’as pas épargné cette pauvre femme... ne pus-je m’empêcher de lui faire remarquer.


- Ce n’était pas le but. Les affaires sont les affaires.

- C’est ce qu’il m’a semblé voir, oui !


- Et nous avons la boulangerie pour vingt mille simflouz de moins ! Tu n’es pas heureuse ?

- Je n’arrive pas à croire que nous en sommes les propriétaires.


Quinze jours plus tard, nous en avions les clés.

- Et voilà ! Nous y sommes ! Je suis tellement heureux !

- Et si nous allions visiter ?


Il y avait une arrière-cuisine toute équipée.


Et même une usine à cupcakes !


Nous décidâmes de monter à l’étage.


L’ancienne propriétaire nous avait tout laissé. Nous découvrîmes sur la mezzanine, un coin salon avec un ordinateur et une télévision.


- J’en viens presque à regretter de lui avoir fait baisser le prix...


- Tu devrais en effet ! Surtout que nous pouvions acheter au prix demandé.


La petite porte que nous avions vue, à gauche en montant l’escalier, menait sur une terrasse.


J’étais au comble du bonheur, et mon mari devait certainement lire la joie, dans mon regard :

- Cet endroit est vraiment merveilleux !


- Et on pourra même organiser des soirées ici ! ajoutai-je, définitivement séduite par l’endroit.


- Tout cela, c’est grâce à toi ! me remercia-t-il.

- Grâce à nous deux !


- C’est toi qui as eu cette merveilleuse idée de boulangerie, ma chérie ; et grâce à toi, je vais pouvoir démissionner et faire ce que j’aime !

- C’était le but !


Il se leva alors pour m’embrasser :

- Qu’est-ce que je t’aime !


Une fois remise de cet assaut romantique, je revins à des choses plus terre à terre :

- Il va falloir lui donner un nom, maintenant, à cette boulangerie...

- Je n’y ai pas réfléchi. Tu as une idée ?


- La « Boulangerie Jules ». Après tout, c’est toi qui feras le pain et les gâteaux.

- Ça me va ! En plus, ça flatte mon égo !


- Tu as remarqué comme on voit bien notre maison de cette terrasse ?


Le jour commençait doucement à décliner sur Windenburg, et la neige à tomber.

- On devrait peut-être rentrer à présent.

- Certainement pas ! Nous allons trinquer à notre nouvelle acquisition.


Je commençai à avoir frais, mais ne pus m’empêcher de rigoler :

- Toi, tu n’en rates jamais une !

- Bien sûr que non. Et nous sommes tellement bien ici, tous les deux.


- Je compte bien en profiter un peu !

- C’est vrai que nous sommes rarement seuls tous deux. Il y a toujours, ou Cassandre, ou la famille, ou les amis.


Jules servit nos verres de nectar, puis me regarda, de ses yeux sérieux :

- Linette, j’aimerais que tu me parles de ta famille.

- Mais je t’ai déjà tout raconté, il me semble !


- Non. Tu m’as raconté l’histoire de tes ancêtres. Ce que je voudrais connaître, c’est ta vie, la tienne. Avec tes parents.

- Mes parents travaillaient beaucoup. Ils étaient agents secrets tous les deux. Ils m’aimaient énormément et j’étais très proches d’eux.


- Et puis un jour, il y a eu cette menace sur les héritiers de la famille, dont je faisais partie. Nous avons quitté notre maison du jour au lendemain. Je n’étais encore qu’une enfant. Je comprenais un peu, mais pas tout. Quelque part, je leur en voulais un peu d’avoir dû laisser mon école et tous mes amis. Et aujourd’hui, je m’en veux de leur en avoir voulu.


- Je me souviens de cette époque. Je me demandais pourquoi tu ne venais plus à l’école.

- Nous nous sommes retrouvées, mes cousines et moi, enfermées dans une nouvelle maison d’où nous n’avions pas le droit de sortir. Et on faisait l’école à la maison. Mes parents avaient changé de nom et de tête. C’était une décision d’adultes. Et cela a été très dur. Je suis restée là-bas plus de deux ans.


- Et tu es en vie ! Ce qui n’aurait peut-être pas été le cas si vous étiez restés chez vous.

- C’est même certain. Mes parents, ainsi que mes oncles et tantes, ont pris la bonne décision. J’aurais fait la même chose pour Cassandre. Mais il n’empêche que, même si je n’ai pas été malheureuse, j’ai très mal vécu la situation.


- C’est normal, tu n’étais qu’une petite fille. Ta vie a été brutalement bouleversée. Tu as dû trouver cela injuste.

- Oui. J’en voulais, intérieurement, à la terre entière, et surtout à cette bande de malfaisants qui m’avait réduite à être la prisonnière d’une immense maison. Heureusement, nous nous entendions tous très bien. La situation n’était facile pour personne mais elle nous a rapprochés. Mes cousines ne sont pas de simples cousines. Elles sont comme mes sœurs.


- Voilà au moins un point positif.

- Toute mon enfance s’est passée là-bas. Je suis devenue adolescente très peu de temps après mon retour à Newcrest. Et à ce moment-là, je n’ai pensé qu’à sortir et à m’amuser ! A profiter de la vie ! Mais, ça tu le sais. Tu l’as bien vu.


- C’est donc ton enfance bridée qui t’a donné le goût de la fête ?

- Oui, j’en suis sûre.


- Tu as vieilli, à présent. Tu ne penses pas qu’un peu de calme serait le bienvenu dans ta vie ?

Je n’avais pas du tout envie que Jules me conduisit là où il voulait m’amener, alors je coupai court à ses questions :

- Et si nous allions plutôt danser ?


Mon mari me suivit. Lui aussi aimait s’amuser, et je savais qu’une petite vie tranquille et pépère, quoiqu’il en dise, ne lui conviendrait pas plus qu’à moi. Nous nous défoulâmes tous les deux sur la piste de danse...


...avant de nous décider à rentrer.

- Et bien, j’ai vraiment passé un après-midi génial ! conclut-il. Mais je n’en avais pas douté un seul instant.


Nous empruntâmes la descente qui allait de la boulangerie jusqu’à notre maison.

- Moi aussi ! lui confirmai-je. Il faudra qu’on se refasse ça !


- Ma chérie... Je ne suis pas dupe, tu sais. J’ai bien vu que tu avais voulu détourner notre conversation mais, tu es si belle que je n’ai pas pu te résister.

- Tu as vu clair dans mon jeu, alors ?

- Je te connais si bien.


NOTE : Situation de la maison par rapport à la boulangerie, et position de Linette et Jules. En cinq minutes, ils sont chez eux.


Nous arrivâmes devant la maison.

- C’est dommage de finir ainsi une si belle journée, tu ne trouves pas ? me dit Jules.


- C’est vrai. Nous étions si bien.

- Je te propose d’aller au restaurant avec Cassandre. Qu’en dis-tu ?

- Je dis oui tout de suite ! En plus, nous ne l’avons pas vue de l’après-midi. Elle va être très contente !


Cassandre était en train de regarder la chaîne préados lorsque nous arrivâmes.

- Tu as passé un bon après-midi ?

- Oui ! Je suis allée au parc avec Corentin et Cousine Céline !

- C’est génial, ça ma puce !


- Et ce soir, nous sortons tous les trois ! Ton père nous invite au restaurant !

- Oh c’est trop bien !


Une heure plus tard, nous arrivions au restaurant et demandions une table.


- Ce restaurant est vraiment charmant, constata Jules alors que nous nous installions.


Nous avions fini notre plat principal et attendions à présent le dessert.


Jules et moi ne relevâmes pas la remarque de Cassandre mais nous regardâmes d’un air entendu.


 

Cassandre invitait souvent sa copine Isabelle à la maison, mais aussi notre cousin Corentin avec son copain Aldéric.


Les quatre enfants étaient devenus de bons amis et se retrouvaient régulièrement chez nous pour le goûter car ils affectionnaient particulièrement les pâtisseries de Jules.

- C’est trop bon, Monsieur Leroy !


- Merci Isabelle.

- Mon Papa est le meilleur pâtissier de Windenburg ! se vantait Cassandre. Et bientôt il va ouvrir sa propre boulangerie !


Cassandre était une petite star parmi ses amis. Son papa faisait de merveilleux gâteaux, et sa maman était un DJ qui les faisait danser !


Je m’amusais beaucoup. J’avais dû entendre mot « cool » une dizaine de fois !


 

Dans la semaine, mes cousines et moi avions prévu une sortie à la piscine de Newcrest. Je leur avais donné rendez-vous chez moi et leur avais fait visiter la boulangerie.


Nous nous rendîmes ensuite à la piscine. Comme il faisait beau, ils avaient ouvert le toit. Cette petite réunion de famille n’était pas anodine. Nous étions la cinquième génération...


La cinquième génération... Nous étions toutes les quatre héritières de Perrine, notre fondatrice et j’avais été choisie pour être l’Elue de notre génération. A présent, il ne restait plus que deux héritiers : Cassandre et Corentin. Céline et moi avions eu le même message du Créateur, la veille de l’apparition des restaurants, ce qui signifiait que l’un comme l’autre pouvait devenir l’Elu.


Céline et moi nous regardâmes. Le raisonnement de Lucie et Emilie était logique...


Nous avions toutes les quatre en tête cet exil forcé qui avait permis de sauver nos vies... Nous ne le souhaitions pas, mais peut-être qu’un jour, quelqu’un en voudrait encore à notre famille... Il nous fallait veiller à sa protection. C’est ce que notre ancêtre, Christophe, avait fait en créant le BPEH.


 

Deux jours plus tard, mon mari et moi ouvrîmes la « Boulangerie Jules ».

- Et voilà mon amour, on ouvre ! claironnai-je


- J’ai un peu d’appréhension, tu sais.

- Moi aussi, pour ne rien te cacher...


Notre appréhension était peut-être justifiée. Au bout d’une heure, il n’y avait toujours aucun client... Jules essaya de me rassurer :

- Ils vont arriver ma chérie, ne t’en fais pas !

Mais je le sentais aussi inquiet que moi.


Et ils arrivèrent. Jules, nos employés et moi étions aux petits soins. Clément était même venu ! J’étais très enthousiaste.


Mais lorsque vint l’heure de la fermeture, les nouvelles n’étaient pas bonnes...

- Alors ? demandai-je à mon mari.

- Ben... Attends, je finis de compter...


- Jules ! S’il te plait, dis-moi ce qu’il en est !

- Nous avons deux-cent-vingt simflouz, en perte...


J’étais atterrée... Après tout le mal qu’on s’était donné...

- Mais qu’est-ce qui a foiré ?

- Je ne sais pas... Peut-être que je ne fais pas les mêmes viennoiseries que l’ancien proprio... ça ne leur plait peut-être pas... Ils avaient leurs habitudes... Je n’en sais rien...


- Ton analyse n’est peut-être pas fausse. Dans ce cas-là, il va falloir leur donner autre chose.

- C’est-à dire ?


Je sentis que mon optimisme reprenait le dessus.

- Il nous faudrait un nouveau concept ! Un concept pour lequel on viendrait chez nous. Un truc unique dans le coin, et différent de la boulangerie d’avant...

- Ce serait pas mal, oui... Mais quoi, comme concept ?


- Une boulangerie-librairie ! Avec des tables à l’intérieur pour déguster tes pâtisseries, mais aussi pour lire tranquillement, en prenant un petit goûter. Nous pourrions même nous y asseoir avec les clients pour les conseiller.

- Mais c’est sensationnel comme idée !


- Mais les livres ? on va les trouver où ?

- Au « Bazar des Chevalier » ! Cette boutique nous sert de cimetière, et plus personnes n’y vient de toute façon...


- Je vais retravailler tous ces bouquins pour que personne ne se rende compte qu’ils racontent une histoire vraie. On les mettra à disposition des clients. Et je ferai faire des copies pour ceux qui souhaitent les acheter. Cela ne nous coûtera rien...

- Tant mieux ! Parce qu’un stock de livres, ça coûte la peau des fesses ! Tu es merveilleuse ma chérie !


- Mon amour, il va falloir quand même qu’on ferme pendant un mois ou plus. Il va falloir qu’on agrandisse un peu si l’on veut mettre cette idée en place...

- Ce n’est pas grave. Tu es merveilleuse quand même !


 

Un mois et demi plus tard...

Je venais de finir certaines améliorations sur mes platines et je les testais...

J’avais installé des spots, et un écran, pour donner encore plus d’ambiance à ma piste. J’étais vraiment très contente de ce que j’avais réussi à faire.


C’est alors que Jules arriva.

- Ma chérie ? Tu n’as pas oublié qu’on réouvrait la boutique aujourd’hui ?


J’étais tellement concentrée que je ne l’entendis pas, mais je finis par le voir.


- Tu disais mon chéri ?

- On inaugure la boulangerie dans une heure. Tu as oublié ?


- Non... Il faut juste que je nettoie un peu la piste sinon nous ne verrons plus la piscine en dessous...

- Tu ne peux pas faire ça à un autre moment ?


- Non. Sinon je ne le ferai jamais !


- Tu vois, ça n’a pas pris longtemps, dis-je à Jules.

- Ma puce, tout va bien ?


- J’ai l’impression que tu ne tiens pas plus que cela, à aller à la boulangerie...

- Bien sûr que j’y tiens ! Pourquoi dis-tu cela ?


- Parce que tu testes tes platines justement aujourd’hui...

- Elles avaient besoin d’être testées, c’est tout... Et c’est vrai que j’ai un peu peur de faire encore un fiasco avec la boulangerie, malgré nos nouveaux aménagements...


Jules me rassura... Nous montâmes jusqu’à notre boulangerie-librairie.

- Ouah !! ne pus-je m’empêcher de m’exclamer.

- Ça te plait ?


Je n’avais pas assisté à la mise en place du mobilier et, ce que je vis, me plut énormément.

- C’est encore mieux que ce que je ne pensais.


- Et c’est très chaleureux. On va tout déchirer, je le sens !

- Moi aussi. Tu te sens prête ?

- Oui !


- Alors, c’est parti !

Nous allâmes nous changer. Le personnel n’allait pas tarder à arriver.

- J’espère que tout ce que nous avons dépensé en publicité pour expliquer le nouveau concet aura porté ses fruits.

- J’en suis persuadé. On a inondé la ville de pubs !


- Allez, j’ouvre la caisse !

- J’ai déjà mis le panneau « ouvert » à l’extérieur.


Deux de nos employés, Éric et Karl arrivèrent, ponctuels. Ne manquait que Louis. Nous commençâmes à les briefer sur le nouveau concept de la boulangerie.