Nathalie986
Semaine 7
Deuxième année - Hiver
Les saisons se succédaient mais le travail à la ferme restait le même et, sans surprise, Thérèse nous relayait avec plaisir dans les tâches quotidiennes.

Mathurin, lui, s’en éloignait de plus en plus, accaparé tout entier par son ordinateur, sauf pour parler à Cahouète qui était l’un des rares à pouvoir le décrocher de son écran.

Un soir, alors que nous préparions une soupe de tomates, Thérèse et moi pour le dîner, Mathurin laissa entendre à son père qu’il aimerait aller à l’université. Yvon essaya de lui expliquer que nous aurions bien besoin de lui à la ferme, mais je savais que c’était peine perdue. Notre fils avait d’autres aspirations.

Le lendemain, j’invitai mes amies Elsa, Sarah et Stéphanie à venir prendre le goûter à la maison. Je m’étais lancée pour la première fois dans la fabrication d’une brioche et je tenais à ce qu’elles partagent ce moment avec nous.

C’est là que nous fîmes la connaissance de Rahul. Thérèse avait insisté pour l’inviter et, sur les conseils de Sarah qui me l’avait décrit comme un jeune homme charmant et bien élevé, je me suis laissé convaincre.

Rahul a fait l’unanimité dans la famille. Son charme et sa bonne humeur ont séduit tout le monde, y compris Yvon qui, pourtant, n’était pas ouvert à ce que notre fille nous présentât un petit ami potentiel.

Thérèse était aux anges même si elle nous disait n’être qu’une simple amie pour lui.
Son petit cœur battait, je le sentais et, bien que sa passion allait en priorité aux travaux de la ferme, je craignais qu’il ne se brise.

Ce jour-là, deux plantes-vaches, sur les trois que nous avions plantées, arrivèrent à maturité et notre fille les prit tout de suite en amitié et leur apporta toute sa gentillesse.

Mais elle se rendit vite compte que ses vaches aux chapeaux de feuilles, aux racines épineuses et aux pis étrangement proches de leurs mâchoires, n’étaient pas de simples animaux de compagnie, et que leurs besoins restaient principalement primaires.

Tandis qu’elle s’occupait de ce que Mathurin appelait des « bêtes sauvages », je reçus un appel d’Armand le fils aîné de Stéphanie, qui m’annonça son décès.

Pour nous, la vie continuait mais je ne pouvais m’empêcher de penser à cette fratrie de quatre enfants qui se retrouvait orphelins de père et de mère à l’approche de Noël.

Thérèse s’était lancée dans la pâtisserie et s’était mise en tête de réaliser une tarte au chocolat. Je ne comprenais pas d’où lui venait cette lubie soudaine mais, à force d’insistance, elle m’avoua que c’était une demande de Rahul mais j’ignorais, à ce moment-là, que les demandes du jeune henfordien étaient assez nombreuses.

J’eus peut-être tort de ne pas m’en inquiéter davantage mais notre fille semblait heureuse et continuait à entretenir son bétail et ses volailles.

Ce qui me chagrinait le plus la concernant est qu’elle n’arrivait pas à faire le deuil de Tessie.

Notre défunte chienne faisait, depuis quelques temps, de furtives apparitions nocturnes dans la bâtisse et Thérèse était tombée nez à nez avec elle un soir, dans notre salle à manger.

Je m’inquiétais pour elle car il était évident pour moi que ces apparitions incessantes empêchaient qu’elle ne passe à autre chose.

Yvon me rassura tout de suite à ce propos. Thérèse avait récemment mis un œuf à couver dans le poulailler et elle avait l’air parfaitement bien. Il me promit, par ailleurs, de surveiller les allées et venues de Tessie afin qu’elle croise moins souvent notre fille.

Yvon était le père idéal, l’homme idéal et le mari idéal, pour moi tout du moins. Nos échanges amoureux demeuraient intactes, comme au premier jour, et il faisait de moi la femme la plus heureuse du monde.

Mais, à l’approche de Noël, un cadeau inattendu sembla s’imposer à nous.
Yvon me demanda trois fois si j’étais sûre mais, oui, j’étais sûre.
Il ne comprenait pas, qu’à nos âges, ce soit encore possible et me regardait d’un air interloqué.

- Comment allons-nous faire ? m’avait-il demandé, très ému tout de même par cette nouvelle. Nous sommes presque vieux.
- Nous allons l’élever comme nous avons élevé Thérèse et Mathurin, voilà tout ! Ce n’était pas prévu mais il là. Alors nous l’aimerons.

Loin de se douter de ce qui se tramait au sein de notre foyer, Thérèse était allée faire les courses, comme chaque matin avant le lycée, à Henford-on-Bagley.

Elle avait lié de nombreuses amitiés dans le village et revenait souvent à la ferme avec des coupons de livraison gratuite...

... coupons qui lui permettaient de voir un peu plus son livreur préféré.
Cette situation me faisait souci car, plus ça allait, plus Thérèse avait l’air d’accéder à ses moindres désirs, et cela, sans aucune contrepartie.

Cela avait commencé par une tarte au chocolat et n’avait pas l’air de vouloir se terminer. Elle était complètement aveuglée et sous le charme de cet angelot qui n’aspirait qu’à une chose, d’après Sarah : quitter Henford et découvrir le monde.

Nous annonçâmes aux enfants que nous attendions un bébé, lors d’un petit déjeuner matinal.
La nouvelle ne fut pas bien accueillie du tout :
- C’est une plaisanterie ou quoi ? nous avait dit Mathurin.

Thérèse fut un peu plus nuancée mais nous demanda tout de même si c’était bien sérieux à nos âges...

Mathurin semblait réellement en pétard après nous et s’interrogea sur notre connaissance de la contraception. Je ne savais plus du tout comment réagir.
Heureusement, Yvon me regarda de ce regard qui me transmettait « laisse-moi gérer ».

- Nous n’avons pas de compte à vous rendre, les enfants. Et je pense que Maman est d’accord avec moi.

Bien sûr que j’étais d’accord ! J’observai mon mari en train de poursuivre :
- Nous aurons ce bébé, que ça vous plaise ou non ! J’espère que j’ai été assez clair.
- Bien sûr, Papa, tenta de se rattraper Thérèse.

- Et c’est une fille ou un garçon ? interrogea Mathurin pour tenter de détendre l’atmosphère.
J’étais consciente qu’il savait qu’il avait manifestement dépassé les bornes :
- Ça, nous n’en savons rien, lui répondit Yvon en me regardant. C’est un peu tôt pour le dire, hein ma chérie ?

- Nous n’en savons rien, c’est vrai. Tout ce que j’espère, c’est que ce bébé sera accepté par toute notre famille. Pour moi, c’est le plus important.

- Vous ne devriez pas perdre de vue que cet enfant est un enfant de l’amour, tout comme vous deux. Nous sommes conscients que la différence d’âge est grande par rapport à vous mais nous comptons sur vous pour l’aimer.

- Tout à fait, ajouta Yvon. Ce bébé sera votre frère ou votre sœur.

- C’est promis, nous l’aimerons, nous dit Mathurin.
- C’est vrai mais d’abord, on doit digérer la nouvelle.
Finalement, Thérèse semblait être celle qui avait le plus de mal à accepter ma grossesse.

La nuit précédant Noël, nous essuyâmes une tempête de neige et un blizzard glacial.

Heureusement, le lendemain, le ciel s’était dégagé et Yvon et Mathurin avaient pu partir en forêt pour aller chercher notre sapin.

Pendant ce temps, Thérèse alla s’occuper de Marguerite et de ses trois plantes-vaches...

...tandis que j’essayais difficilement d’entretenir le jardin. J’avais oublié que la grossesse pouvait avoir des côtés très contraignants.

Lorsque nous retournâmes à l’intérieur de la bâtisse, Yvon et Mathurin avaient déjà ramené le sapin et décoré la maison. Nous entonnâmes un chant de Noël...

...puis entreprîmes d’habiller ce magnifique arbre tous ensemble.

Nous avions invité pour le dîner de Noël les quatre enfants de Stéphanie pour partager la dinde avec nous.

Ils avaient perdu leur mère il y a peu et nous ne voulions pas les laisser seuls lors de cette fête familiale.

Armand, Aurélie, Paul et le petit Gabriel passèrent une bonne soirée en notre compagnie, et Mathurin réussit même à les faire rire.

L’ouverture des cadeaux fut un grand moment...

...surtout lorsque le Père Hiver apparut près de notre cheminée.

Thérèse fut particulièrement gâtée ce soir-là.

Notre ami en bleu venait de lui offrir une petite chienne braque de Weimar. Thérèse la montra à tout le monde et la prénomma Naya.

Le Père Hiver resta un petit moment avec nous...

...avant de prendre congé et de nous saluer jusqu’à l’année prochaine.


Cette nuit-là fut une belle nuit pour Thérèse qui, en plus d’être la maîtresse d’un joli petit chiot, vit l’œuf qu’elle avait mis à couver, éclore.

Elle appela le petit poussin Noël, en hommage à cette belle soirée que nous venions de passer.

Point de vue de Thérèse
Je me rendis ce matin-là à Henford-on-Bagley pour y faire les courses, comme chaque matin et, une fois n’est pas coutume, j’y croisai le beau Rahul.

Papa et Maman l’ignoraient mais, si j’insistais tant pour faire moi-même les achats dont nous avions besoin, c’était justement dans l’espoir d’y voir Rahul.
Le problème est, qu’en ce moment, il n’avait qu’une idée en tête, quitter Henford, et il me sollicitait un peu trop souvent pour faire les commissions à sa place. Cette fois, je lui dis non.

Cela ne l’empêcha pas de me suivre jusqu’aux boutiques et d’insister.
- Ben alors, Rahul ! lui lança Kim. Tu fais encore faire ton boulot par une demoiselle !
Cela ne me plut pas du tout.

Rahul ne sembla pas s’outrager de la remarque de l’épicière et il m’accompagna jusqu’à la boutique de plantes des cousines Ladentelle.
Son baratin fut tellement énorme que je finis par me laisser convaincre.

- Ok, mais c’est la dernière fois, tu entends ? J’ai du boulot à la ferme, moi aussi, en plus de l’école !

- Merci, Thérèse. Tu es la meilleure, dit-il en me frôlant. Et aussi la plus jolie fille du village.

Je n’étais pas dupe de ses discours à l’eau de rose mais j’avais quand même envie d’y croire.

Il ne s’était jamais rien passé entre nous mais qu’est-ce que j’aimerais que ça change. Peut-être que ces commissions lui permettront de voir à quel point je l’aime.

Point de vue de Capucine
Thérèse m’inquiétait un peu. Elle était repartie à cuisiner pour Rahul...

Et, en plus, elle faisait pour lui un modèle de point de croix. Je me demandai ce qu’il pouvait bien lui offrir en échange. Leur relation m’avait l’air un peu particulière.

Lorsque je lui en parlais, ma fille me répondait invariablement qu’elle adorait faire plaisir à Rahul et qu’elle n’attendait aucune compensation de lui.
Yvon me dit cependant que le garçon avait plusieurs fois remis à Thérèse des pièces d’améliorations pour les abris de ses animaux. Quel romantisme ! Mais peut-être s’entendaient-ils ainsi, après tout.

Je devinais cependant aisément que Thérèse imaginait beaucoup d’histoires qui, sans doute, ne seraient jamais.

Tessie tournait beaucoup autour de la maison et, si Yvon arrivait souvent à la maintenir dehors, ce n’était pas toujours le cas.

Ça m’attristait tellement de la voir ainsi errer comme une âme en peine.

Je savais que Thérèse avait beaucoup de mal à la laisser partir et que ce n’est qu’à cette seule condition que Tessie pourrait trouver la paix.

C’est ce qu’elle fit cette nuit-là.
Elle pleura beaucoup mais réussit à faire son deuil de notre chienne.

Elle lui rendit un dernier hommage et lui dit enfin au revoir.

Tessie pourrait désormais reposer en paix.

Le lendemain, j’eus une petite conversation avec elle.
Je sentais que le deuil de Tessie lui avait fait du bien mais le sujet Rahul me tracassait encore.

Pendant que nous discutions, Thérèse et moi, Mathurin rentrait à la maison avec un copain de lycée : Julien.

- Maman ! Je ne vois pas pourquoi tu prends les choses tellement à cœur. Rahul est un ami, rien de plus !

- Je m’inquiète pour toi. Je ne voudrais pas qu’il te brise le cœur.
- Alors rassures-toi, nous avons mis les choses au point ce matin.

Je lui ai rapporté ses commissions, comme promis et je lui ai clairement demandé ce qu’il pensait de moi. Je voulais en avoir le cœur net.

Il a eu l’air embarrassé mais il m’a quand même dit qu’il m’aimait bien.

Seulement, il veut quitter le coin. Il n’a pas envie de rester par ici. Il veut aller en ville et voir de nouvelles choses, et il sait que je n’abandonnerai pas la ferme.

La seule chose qui le retient, c’est Lavina. Cette femme l’a adopté lorsqu’il était enfant et il lui doit beaucoup. Il ne veut pas la faire souffrir en partant.
Alors, j’ai eu une idée ! J’ai proposé à Rahul de tâter moi-même le terrain avec Lavina.

Il était ravi
- Tu ferais vraiment ça pour moi ?
- Ben... je sens que je vais le regretter mais oui, je vais le faire.

- Je savais que tu étais la meilleure !
Alors tu vois, Maman, nous ne sommes que des amis.

- Ma pauvre chérie... Tu vas donc le laisser partir ?
- Il le faudra bien...

- J’ai prévu de donner à Lavina ce point de croix que j’ai fait de sa part. Et je lui expliquerai à quel point Rahul veut quitter le village. Ça va être très dur parce que je ne veux pas le voir partir, mais je vais le faire.

Pendant que nous discutions, Thérèse et moi, Yvon observait notre fils faire de la balançoire avec son copain Julien.

Et j’ignorais qu’à ce moment-là, mon mari était vraiment très contrarié.

Et j’étais loin d’imaginer que, dans la soirée, nous aurions, lui et moi, notre premier vrai désaccord après tant d’années de vie commune.

Après notre conversation, Thérèse alla se promener avec Naya dans le jardin et elle fit bien...

...car la petite chienne décida de grandir ce soir-là...

...pour devenir une magnifique chienne adulte.


Lorsque nous nous retrouvâmes seuls dans notre chambre, Yvon me fit part de ce qui le contrariait :
- Je crois que notre fils est homosexuel.
- Ah bon ? lui répondis-je. Et comment peux-tu le savoir ? Il te l’a dit ?

- Il ne m’a rien dit mais je les ai vus. Ils avaient cette façon de se regarder... Et Mathurin souriait bêtement.

- Et puis, je trouve qu’ils se rapprochaient un peu trop.
- C’est tout ?
- Non, ce n’est pas tout ! Bon sang, Capucine ! Ce garçon a les cheveux roses et un piercing dans le nez ! C’est un signe, non ?

Nous ignorions, qu’à ce moment précis, Mathurin passait devant la porte de notre chambre et qu’il tendit l’oreille.

J’étais ahurie par ce que venait de dire mon mari, complètement sous le choc :
- Non, ce n’est pas un signe, Yvon ! Comment peux-tu avoir de tels préjugés ? Et puis, si notre fils est homo, qu’est-ce que ça peut bien faire, après tout ? C’est toujours notre fils, non ?
- Mais je ne veux pas qu’il soit homo. Il faudrait lui présenter une copine.

- Mais n’importe quoi ! Je n’ai jamais rien entendu d’aussi stupide ! D’abord, on ne sait pas s’il est gay, et ensuite, on ne va pas cesser de l’aimer s’il l’est. Et, s'il est gay, tu pourras lui présenter toutes les copines que tu veux, il n'en aura rien à faire. C’est sa vie, que je sache !
- Nous sommes ses parents. Nous avons notre mot à dire, je pense.

- Non. Nous n’avons pas notre mot à dire ! Tu sais quoi ? Je vais prendre l’air. Ta réaction rétrograde me choque.

Mathurin n’avait évidemment pas perdu une miette de notre conversation, d’autant que le ton était monté entre son père et moi.
Mais ce que j’ignorais alors, c’est que l’attitude d’Yvon ce soir-là allait avoir des répercussions sur les choix que notre fils aurait à faire plus tard.

La vie reprit son cours à la ferme.
Yvon et moi n’abordions plus le sujet de l’éventuelle homosexualité de Mathurin mais je gardai dans le coin de ma tête de poser directement la question à mon fils.

Marguerite avait l’air de faire bon ménage avec ses cousine plantes-vaches...

...et Thérèse ne quittait plus Naya qui était une chienne très affectueuse.

Mathurin, lui, avait postulé à l’université de Foxbury. Il avait déjà envoyé ses demandes de bourse et avait mis une option sur une petite maison située sur le campus.

Il était décidé à quitter la maison et à voler de ses propres ailes mais, alors qu’il aurait dû être heureux, son air triste et fermé me laissait à penser que quelque chose le chiffonnait.

Quelques jours plus tard, nous fêtâmes l’anniversaire des jumeaux.

Thérèse avait bien évidemment invité Rahul, mais aussi sa meilleure amie Aurélie.
Mathurin, lui, avait invité Armand, son meilleur ami mais aussi Julien, le fameux copain aux cheveux roses, et Claire, la fille de mon amie Elsa.

Notre fille fut la première à souffler ses bougies sous les encouragements enthousiasmés de Rahul.

Il fut le premier à entonner un « Joyeux Anniversaire », bientôt suivi par tous leurs amis.

Thérèse était maintenant aussi grande que moi ! Heureusement que j’avais prévu un chapeau !

Mathurin se laissa aussi emporter par les chants et les confettis.

Sa sœur était sa plus grande fan. Il était loin le temps où, bambinette, elle avait eu peur de souffler ses bougies avant lui.

Il la prit dans ses bras et je vis qu’il la serrait très fort. J’étais très émue.

Yvon, qui avait vu d’un mauvais œil l’invitation du jeune Julien, sembla s’apaiser en observant que Mathurin passait surtout la soirée auprès de Claire.

Julien, lui, montrait des photos de San Myshuno à Rahul qui semblait très intéressé d’autant que Julien, qui passait la plupart de ses vacances là-bas, chez son père, l’abreuvait d’anecdotes toutes plus alléchantes les unes que les autres.

Lorsqu’il s’assit avec nous, il apprit à Thérèse que son projet de départ avançait et qu’il n’attendait plus que l’accord de sa mère adoptive pour s’en aller.

Rahul annonça aussi qu’il partirait avec Aurélie.

Je saisis un imperceptible changement d’expression sur le visage de Thérèse mais elle continuait à sourire tout en digérant la nouvelle :
- Tu pars avec Aurélie ?

Puis elle se tourna vers sa meilleure amie :
- Petite cachotière ! Je ne savais pas que Rahul et toi étiez ensemble.
- Nous ne le sommes pas. Nous allons prendre une colocation.

Ma fille sembla soulagée. Elle avait frôlé de peu la pire des trahisons.
- Tu sais, tu peux venir nous rejoindre quand tu voudras, Thérèse ! Il y aura toujours de la place pour toi, lui dit Rahul.

- Je n’ai pas changé d’avis. Je n’abandonnerai pas la ferme. Même pour toi, Rahul. Ma vie est ici.
Je ne pouvais que supposer ce que cette décision lui coûtait mais, au fond de moi, j’étais contente. Je savais que Thérèse ne serait jamais heureuse en ville.

Yvon était heureux aussi car notre fille restait s’occuper de la ferme et que Mathurin semblait draguer Claire, mais je lui en voulais toujours par rapport à la réaction excessive et inadaptée qu’i avait eue concernant notre fils.

Notre fils avait retrouvé son sourire et c’est ce qui comptait, peu importe qu’il soit heureux avec Claire ou avec Julien.

D’ailleurs, Julien était en train de sympathiser avec Armand et n’avait pas l’air de se préoccuper de Mathurin.

Mais ce que je n’avais pas vu, c’est que Mathurin, lui, semblait se préoccuper de Julien.

A la fin de la soirée, mon fils aida son père et sa sœur à débarrasser la table puis il me prit dans ses bras.
- Allez viens, ma petite Maman. Tu as l’air fatiguée, il faut te reposer, tu sais. Il faut prendre soin de toi et du bébé.
Ses paroles m’allèrent droit au cœur. Mon fils avait grandi et était devenu un homme qui prenait soin de sa mère. J’étais vraiment touchée.

A la fin de la semaine, nous nous rendîmes en famille à la foire aux plantes de Finchwick.

Thérèse avait décidé d’y participer et y avait présenté son plus beau fruit : un fruit du dragon excellent.

Elle avait aussi présenté une tarte aux framboises du jardin pour le concours de tartes qui avait lieu le même jour.

Madame le Maire avait l’air très enthousiaste à propos de cette participation.
Thérèse lui avait remis le point de croix de la part de Rahul puis avait expliqué à Lavina combien le jeune homme aspirait à quitter Henford-on-Bagley, mais hésitait à cause de tout ce qu’elle avait fait pour lui.
Mais elle avait compris, et je la comprenais, ô combien. J’allais devoir, moi aussi, laisser partir mon fils afin qu’il mène sa propre existence.


Nous passions toujours de bons moments aux foires de Finchwick et celle-ci ne fit pas exception. Yvon et Mathurin retrouvèrent une connaissance avec qui ils avaient déjà discuté lors de la foire précédente.

Thérèse alla prendre des nouvelles de Kim et Agatha avec qui elle avait lié des amitiés à mesure de leurs rencontres dans leurs boutiques.

Lavina, quant à elle, m’encouragea à vendre mes jus de fruits non loin des stands de foire afin de les faire connaître à la population d’Henford.

Elle fut ma première cliente et mes ramena les suivants qui ne se firent pas prier pour déguster mes jus avant e les acheter. Cette foire fut une réussite.
Thérèse n’obtint aucun prix pour sa tarte mais reçut la troisième place pour son fruit du dragon. Elle était ravie.

Je perdis les eaux en arrivant à la maison.
Yvon, qui avait pourtant déjà assisté à la naissance des jumeaux, était en panique totale.

Heureusement, les enfants étaient calmes et rassurèrent leur père.
Nous allions passer à l’année suivante dans quelques minutes mais cette fois, nous ne regarderions pas le décompte à la télévision.

Cette année, nous étions tous réunis pour accueillir la petite Jeanne.

C’était le dernier jour de l’hiver. Notre troisième enfant venait de naître, Mathurin attendait avec impatience sa lettre d’admission à l’université, et Thérèse allait rester auprès de nous pour gérer la ferme.
Quant à Naya, elle faisait partie intégrante de notre famille et en accueillait son nouveau membre en jappant.
